Livre paru aux éditions P.O.L
Sous la direction de Marion Chénetier-Alev, Sandrine Le Pors et Fabrice Thumerel
Livre paru aux éditions Hermann
En tournée pour la saison 2021 :
6 > 8 janvier 2021 - Le Quai - CDN Angers Pays de Loire
14 > 29 janvier 2021 - Théâtre National Populaire - Villeurbanne
5 > 6 février 2021 - Grand Théâtre de Provence – Aix-en-Provence
10 > 13 février 2021 - La Criée - Théâtre national de Marseille
17 > 19 février 2021 - Anthéa - Théâtre d’Antibes
4 > 26 février 2021 - La Comédie de Clermont
5 > 6 mars 2021 - Théâtre Quintaou Scène nationale du Sud-Aquitain – Anglet
23 > 26 mars 2021 - Théâtre de la Cité – CDN Toulouse Occitanie
6 avril 2021 - Opéra de Massy – Paris Sud
14 > 16 avril 2021 - Théâtre du Nord
21 > 22 avril 2021 - Comédie de Caen - CDN de Normandie
18 > 21 mai 2021 - MC2 - Grenoble
27 > 28 mai 2021 - Scène Nationale Châteauvallon-Liberté
Je continue, je quitte ma langue, je passe aux actes, je chante tout, j’émets sans cesse des figures humaines, je dessine le temps, je chante en silence, je danse sans bouger, je ne sais pas où je vais, mais j’y vais très méthodiquement, très calmement : pas du tout en théoricien éclairé mais en écrivain pratiquant, en m’appuyant sur une méthode, un acquis moral, un endurcissement, en partant des exercices et non de la technique ou des procédés, en menant les exercices jusqu’à l’épuisement : crises organisées, dépenses calculées, peinture dans le temps, écriture sans fin ; tout ça, toutes ces épreuves, pour m’épuiser, pour me tuer, pour mettre au travail autre chose que moi, pour aller au-delà de mes propres forces, au-delà de mon souffle, jusqu’à ce que la chose parte toute seule, sans intention, continue toute seule, jusqu’à ce que ce ne soit plus moi qui dessine, écrive, parle, peigne. Etablir toute une chronologie d’horaires minutieux, pour être hors du temps. Placer devant soi mille repères pour se perdre.
C’est ce que j’ai toujours recherché en écrivant : le moment où ce n’est plus un écrivain qui écrit, mais quelqu’un qui est sorti de soi, moment qui ne se trouve qu’au bout du long chemin d’exercices, tout à la fin du travail, moment de conscience totale, de libération, moment ou j’ai perdu toute intention d’écrire, de peindre, de dessiner, moment où la parole a lieu toute seule, comme devant moi, hors de moi. Je n’ai jamais supporté l’idée que quelqu’un fasse quelque chose. Mes livres, j’ai mis chaque fois cinq ans à les faire, des milliers d’heures, de corrections maniaques ; mais ils se sont faits tout seuls. Je n’ai jamais écrit aucun de mes livres.
On ne protestera jamais assez contre ce nom qui nous est donné : ce qu’on appelle un homme mais qu’on devrait appeler autrement. On ne naît pas qu’une fois, je ne suis pas né qu’une fois : il nous faut toujours renaître à nouveau, être sans nom et protester contre toutes les manières dont nous sommes représentés, protester contre la figure humaine, contre toute science de l’homme, contre tout ce qui prétend être une science de l’homme, détruire toutes les idoles, briser sans cesse les images qu’on veut faire de nous, protester contre toutes les images de l’homme, contre toutes les cartes, les schémas de notre dehors et dedans, refuser toujours de porter notre nom. Parce que nous sommes au-delà de nos noms, au-delà de os images, non pas parlant mais renversant nos langues, traversant nos mots, en travers, en traversée, dans une forêt de langue, dans une foule de paroles, dans une ville d’inscriptions, ceux qui passent, ceux qui traversent.